dimanche 27 janvier 2008

Fronteras

El viento viene, el viento se va, por la frontera
La suerte viene, la suerte se va, por la carretera...


Evidemment je ne vais pas prétendre parler mieux de la frontière que Manu Chao qui a voyagé toute sa vie dans tous les coins du monde. Surtout ayant grandi dans l'espace Schengen.
Mais j'ai aussi mes petites histoires de frontières.

Tout d'abord, la frontière la plus stupide du monde (pas de lapsus, j'ai dit frontière), j'ai nommé la frontière des Etats-Unis. Je ne parle pas de celle avec le Mexique ou le Canada, mais de celle avec le reste du monde - l'aéroport donc. Cette frontière a gagné son titre de stupidité après le 11/09/2001 avec des questions telles que "êtes-vous terroriste?" ou la fameuse "est-ce-que quelqu'un que vous ne connaissez pas vous a donné quelque chose?" de Gad Elmaleh. Il semble que l'US Department of Justice ait décidé de faire un geste envers les intermitents, en facilitant la tâche aux comiques. La preuve, dans le papier à remplir pour entrer aux Etats-Unis, il faut répondre aux questions suivantes:

B- Avez-vous été arrété ou condamné pour un délit ou crime réprouvé par la morale publique, ou enfreint la loi en matière de substances contrôlées? Demandez-vous l'entrée aux Etats-Unis dans l'intention de vous livrer à des activités criminelles ou immorales?
*oui *non (attention il y a un piège)
C- Avez-vous autrefois été impliqué, ou êtes-vous maintenant impliqué dans des activités d'espionnage, de sabotage, de terrorisme, de génocide, ou, entre 1933 et 1945, avez-vous participé en auncune façon à des persécutions perpétrées au nom de l'Allemagne nazie ou de ses alliés?
"Pourquoi?" a été la question qui a tourné dans ma tête pendant longtemps. Quelques explications (tordues) possibles ont émergé:
1) L'espoir qu'un jour par réflexe un terroriste coche "oui"
2) La décision de mettre fin une fois pour toutes à l'humour des blagueurs inconscients qui ont coché "oui" et qui ne le feront plus jamais après un interrogatoire (musclé)
3) La conviction que cette mesure forte du gouvernement Bush disuadera les terroristes d'entrer sur le territoire américain.
4) Une raison juridique obscure qui permettrait une cause de procès pour négation de son activité de terrorisme - Ben oui imaginez un jour si un terroriste se fait arrêter on pourra retrouver son papier vert et dire "ahah vous aviez coché "non", vous avez donc menti en votre âme et conscience à la face du peuple américain!" Un peu comme Clinton et Lewinsky, le problème n'est pas l'acte mais le mensonge sur la Constitution. Enfin bon c'est pas comme si à Guantanamo ils avaient l'habitude d'avoir des procès (équitables) de toutes façons.

Bon et encore je parle de cette frontière du point de vue d'une fille qui a un passeport marqué "Union Européenne". Encore que ou portant des vêtements trop hippies (une jupe sur un pantalon large, c'est dire), ou ayant une tête trop méditerranéenne, ou encore sonnant ostentiblement à tous les portillons de contrôle (pour une raison jusqu'à aujourd'hui inconnue), j'ai droit à pleins de contrôles en rab. J'imagine même pas si j'avais une barbe.

Dans un tout autre style, il y a la frontière abandonnée à son sort - Aguas Verdes, la frontière entre le Pérou et l'Equateur, à Tumbes. Je ne sais pas si c'est l'effet 1er janvier qui est trompeur, mais en tous cas il n'y a absolument personne. La route est barrée par un traiteau qui dit "Detenerse", ce qui incite les gens de bonne volonté à passer par le poste de police de frontière, constitué majoritairement de couloirs et pièces vides.
Une fois le passeport tamponé on peut passer le même traiteau en faisant un pas sur le côté, et s'engager sur cette large route déserte qui - dit-on - mène à l'Equateur. Pour cela on monte dans un mototaxi. Sauf que si on monte pas en quatrième vitesse il existe la possibilité de se faire arracher son sac juste sous la moustache des policiers des frontières, qui, dans un effort inouï, décrochent le téléphone pour appeler la police du centre de Tumbes. Ses représentants arrivent 10min plus tard parce qu'en plein match de foot, et constatant sur place que les voleurs sont partis, rentrent au poste faire un rapport ("en trois exemplaires", comme les romains dans Astérix). Le policier en civil sur place depuis le début se manifeste en promettant de faire son enquête, mais n'ayant plus de billet à lui glisser, peu probable que ça aboutisse.
Donc pas de passeport, pas d'Equateur. Ma seule frontière infranchie.

Puis il y a la frontière où on passe comme dans un moulin, Desaguadero, entre le Pérou et la Bolivie. Les postes sont de côté de la rue, coincés entre les vendeurs de toutes sortes, et il n'y a pas une seule barrière, ni policier à plus d'1m de la porte de son bureau.
Pour passer du Pérou à la Bolivie, il suffit de traverser à pieds un pont. On peut donc s'amuser à établir le record des aller-retours entre deux pays en un journée, puisqu'à moins de vouloir passer dans un autre pays depuis la Bolivie, on n'a pas vraiment besoin du tampon sur le passeport.

Enfin il y a la frontière qui se mérite, Villazón-La Quiaca, entre la Bolivie et l'Argentine. Déjà, il faut trouver où elle est dans Villazón. On peut pour cela se laisser guider par les boutiques de change dont les taux sont incertains, mais une fois qu'on a des dollars en main on ne peut plus s'acheter à manger parce que les boutiques n'acceptent que les bolivianos, flemme d'aller chercher de la monnaie pour rendre. Une fois la frontière trouvée, il faut faire la queue pour avoir son tampon "sortie" de Bolivie, traverser le pont et refaire la queue pour l'"entrée" en Argentine, sachant que ce coup-ci il y a des policiers qui surveillent. Enfin pas dans le poste, puisqu'il y a un seul officier pour dix personnes par minutes qui arrivent, et celui-ci doit bien prendre sa pause déjeuner un moment ou un autre, et qu'il n'est pas remplacé. 2h30 d'attente pour un tampon.

Pendant ce temps, la frontière parallèle fonctionne. Cette frontière sur le côté, un peu surélevée suivant les rails d'un train, à la vue de la moindre personne qui lève la tête. Des boliviens ou argentins, hommes et femmes de tout âge, qui charrient sur leur dos des sacs de deux fois leur poids, payés 10cts pour traverser en courant par des compagnies qui déchargent leurs camions avant la frontière pour ne pas payer d'impôts sur la marchandise au passage.
Retour à la frontière formelle et re-queue pour le contrôle des bagages, culture de coca et épidémies de pays pauvre en Bolivie obligent.
Sachant que la nouvelle présidente Cristina Kirchner, femme du président précédent, a fait passer l'Argentine à l'heure d'été il y a deux semaines, on perd donc deux heures en 10m. Mais c'est pour faire des économies d'énergies, alors...
La Quiaca (côté argentin), même combat. Aucune indication d'orientation. Mais quand enfin on trouve le terminal de bus - guidé par les amis qu'on a eu le temps de se faire en 2h30 de queue- alors là, le voyage commence.