mercredi 27 février 2008

Héroes nacionales

Quand on voyage en Argentine, qu'on parle aux gens ou qu'on se promène dans les rues touristiques, on ne met pas longtemps à faire connaissance avec les héros nationaux argentins. Ils ont leur visage sur des cartes postales, des calendriers, des murs, ils ont des musées rien que pour eux, et des dizaines de livres écrits à leur sujet.Adulés et critiqués, vivants ou morts, ils sont absolument incontournables.


En se baladant dans les ferias et les boutiques d'antiquaires, ou dans le quartier de l'Abasto, on ne peut pas manquer la photo style acteur américain des années 50 de Carlos Gardel. Charles de son vrai nom, puiqu'il est né à Toulouse. Mais argentin de coeur, puisque sa mère s'installe à Buenos Aires quand il a 2 ans. Ce n'est pas tant pour sa carrière d'acteur assez peu brillante qu'il est célèbre, sinon parce qu'il a été le premier chanteur de tango, avec Mi noche triste, une mélodie tango sur laquelle il a chanté des paroles. Une popularité immense en son temps, et un traumatisme collectif pour sa mort dans un crash d'avion alors qu'il était en tournée en Colombie. Un peu de nostalgie d'un Buenos Aires d'un autre temps flotte dans l'air quand on entends un tango de Gardel.
Mi Buenos Aires querido (aucune idée du rôle du marin à droite)

Le deuxième héro national est sans aucun doute Diego Maradona et sa mano de Dios, qui a permis à l'Argentine de remporter la coupe du monde en 1986. Une arnaque pour les anglais puisque le premier but a été marqué de la main (guidée par Dieu selon l'intéressé, ben voyons). Mais même le fait qu'il soit maintenant gros, vieux, drogué et qu'il se soit fait tatouer Fidel Castro et Hugo Chavez sur le corps n'efface pas les prouesses de sa jeunesse de footballeur.
Son but mythique contre l'Angleterre, le deuxième (même si vous n'aimez pas le foot, regardez le rien que pour le commentateur qui n'en rajoute pas du tout en bon argentin qu'il est. Je vous assure Thierry et Jean-Mimi peuvent aller se rhabiller)


Il y a bien sûr Ernesto Che Guevara. Il y a le révolutionnaire, mais on dit bien que nul n'est prophète dans son pays, et c'est surtout l'idéaliste, le curieux et l'aventurier qui fascine les argentins. Ernesto Guevara avant d'être le Che, est déjà un personnage. Et puis comme le dit la chanson, asi se queda la clara, la intrañable trasparencia, de tu querida presencia, Comandante Che Guevara.
Alberto Granado parle de son compagnon de voyage


Et puis il y a Eva Peron. Si vous avez vu le film Evita avec Madonna, vous en aurez sans doute l'image d'une ambitieuse assez détestable. En sortant du musée Evita de Buenos Aires par contre c'est une histoire. Vous en aurez l'image d'une femme politique active, initiatrice d'une fondation réalisant des oeuvres sociales dans tout le pays, créant des foyers d'enfants, d'anciens, de mères sans emploi, ne fonctionnant pas à l'assistanat mais les réinsérant dans la société et le monde du travail, instaurant les vacances à la mer pour tous les enfants, donnant l'estoquade finale pour l'obtention du droit de vote de la femme. Inséparable de l'image même de Juan Peron, qu'elle cite dans tous ses discours. Peron, premier président qui fait entrer son épouse dans les portraits officiels, qui lorsqu'il prononce un discours du balcon présidentiel est suivi par un discours d'Evita. Ce n'est pas un président mais un couple présidentiel, à tel point que la CGT demande en 1952 à Eva Peron de se présenter comme vice-présidente de Juan Peron, pour porter le couple à la gouvernance de l'Argentine.

Discours d'Eva Peron, (à partir de 1:00). Outre le caractère propagandiste de la video et le "Nothing elsa matters en fond", à voir pour comprendre Eva Peron.

Juan Domingo Peron, un mythe en Argentine. De tous les argentins avec qui j'ai discuté, une seule fille n'admirait pas Peron pour son action pour l'Argentine, parce qu'elle était marxiste et que Peron a écrasé le parti communiste.
J'en avais l'image d'un populiste, militaire antidémocratique, colaborateur fasciste puisqu'il avait envoyé des provisions à l'Espagne et l'Italie durant la Seconde Guerre Mondiale. Mais voilà la version péroniste: l'Argentine est la terre d'immigration des espagnols et italiens, arrivés par millions au XIXe et XX siècle. Toutes ces familles ont laissé dans leur pays des parents. Les laisser crever de faim pendant la guerre n'était donc pas très recommendable pour un gouvernement argentin.
Peron est leur Nasser, leur Tito (certains disent même leur De Gaulle mais je reste perplexe sur le péronisme de De Gaulle); celui qui a nationalisé les grandes compagnies qui permettent d'exploiter les richesses argentines, l'anti-impérialiste qui a proposé une "troisième voie" (autre que le communisme); celui qui a organisé le système syndical et leur a donné un pouvoir sans précédent; celui qui a permis l'émergence d'une classe moyenne argentine; celui qui a fait passé l'espérance de vie d'un ouvrier de 27 à 72 ans.

Avec autant de versions contradictoire je ne sais pas quoi penser du péronisme, d'Eva et Juan Peron. Populisme ou génie social? Autoritarisme ou charisme? Peut-être un mélange. Ce qui est sûr c'est que leur popularité est fascinante.
Encore seulement ministre en 1944 Peron est exclu du gouvernement militaire et envoyé en exil. Des milliers de travailleurs manifestent pour son retour le lendemain, le 17 octobre, de peur que ses politiques sociales disparaissent. En deux jours il de retour, et prononce un discours au balcon de la Casa rosada. Ses déclarations comme celles d'Evita sont accueillis par des foules de travailleurs. Il semble que les critiques soient venues, outre des marxistes, des intellectuels et de l'élite, et que le peuple les adorait. D'où le populisme. Ce qui est sûr c'est qu'ils méritent largement leur place dans les héros nationaux, pour la marque qu'ils ont laissé dans la politique argentine. A un journaliste l'interrogeant sur la composition de l'électorat argentin, Peron réponds:
"un 30% son radicales, un 25% conservadores y un 15% socialistas". ¿Y los peronistas?, le pregunta asombrado el periodista. "A no, peronistas son todos".

Se pose alors la question d'aujourd'hui. Nestor Kirchner, comme sa femme l'actuelle présidente Cristina Fernandez Kirchner, appartiennent au Parti Justicialiste, péroniste. Le péronisme étant de gauche comme de droite, la politique argentine est illisible selon nos références. Comment peut-on à la fois vouloir un modèle péroniste et critiquer à ce point le gouvernement? Réponse d'un péroniste: Cristina est de gauche dans son discours de campagne et néolibéraliste dans les faits. Elle n'a de péroniste que le nom.
Devant la mainmise des Kirchner sur leur parti et la gouvernance du pays, on parle désormais de kirchnerisme. En héritage de Peron on peut leur concéder une certaine distance avec les Etats-Unis, du moins en comparaison avec leurs voisins latino-américains. Nestor Kirchner bénéficie aussi d'une certaine popularité pour avoir sortie l'Argentine de la crise de 2001. Cristina, ça me semble moins évident pour le moment.

*Ayant passé un mois en Argentine entourée de péronistes (très) convaincus, mes impressions et ma vision des choses ne sont évidemment pas objectives.

dimanche 24 février 2008

Buenos Aires - Paredes

Un petit tour des quartiers de Buenos Aires à travers leurs murs.

Mur féministe de Villa Crespo


Mur design de Palermo

Mur peinture de San Telmo

Mur Guernica de Villa Crespo

Mur d'été de Palermo viejo



Mur tango de l'Abasto


Vieux mur de San Telmo


Mur Che Gayvara de San Telmo

Mur musée à ciel ouvert de La Boca

Buenos Aires - Insólito

Pour peu qu'on ait l'oeil, on peut trouver dans une ville plein d'erreurs, d'humour et de petits détails très drôles.

Extraits du Manuel de l'Immigrant du début du siècle
(s'adressant donc principalement aux italiens)

samedi 16 février 2008

Buenos Aires - Música de calle

L'ambiance de l'été, des rues piétonnes, des ferias artesanales.
Buenos Aires est peut-être la capitale du tango mais aussi la capitale d'un millier d'autres musiques, mélanges d'influences de toutes les cultures de la ville.

Symphonie pour klaxons


Made in Barcelona


Le jazz manouche ne vieillit pas


Orchestango

Ma' Amstrong



Du temps de Carlos Gardel...

dimanche 3 février 2008

Payaso

La une du journal national argentin d'aujourd'hui.

Depuis plusieurs mois la France vu d'ici c'est la vie privée de Sarkozy.
No comment.

samedi 2 février 2008

Jujuy

Le voyage débute dans la province de Jujuy, la plus au nord de l'Argentine, à Purmamarca. Ce village qui comprend en tout et pour tout une place, un distributeur de monnaie (en panne) et moults restaurants, hôtels et camping, est surtout connu pour son cerro de siete colores (la colline aux septs couleurs). Les théories diverges sur ce fameux cerro, parceque le village est entouré de montagnes de minéraux de toutes les couleurs, qu'il y en a plus de sept et qu'elles ne sont pas concentrées sur le même mont. Mais bon sept ça fait toujours bien alors ne contrediseons pas la célébrité locale. En tout cas très impressionants le paysage et toutes ces couleurs.









Purmamarca, c'est surtout un village de probablement moins d'une centaine d'habitants hors saison, et le triple pendant les vacances, toute la population touristique étant concentrée sur la place, venant de Buenos Aires, ayant entre 18 et 30 ans et sachant au moins jouer No woman no cry et Manu Chao à la guitare. Le pantalon barriolé et le pull en lama est aussi de vigueur étant donné la proximité avec la frontière bolivienne. Enfin ambiance de vacances d'été parfaite pour mes premiers pas en Argentine.
L'occasion aussi de m'habituer au maté, qui bien plus qu'une herbe à thé plutôt amère, est un rituel social.
Le maté en Argentine désigne une herbe (ce n'est pas le maté de coca péruvien) dont on rempli un récipient (qui je crois s'appelle aussi le maté) et sur laquelle on verse de l'eau bouillante d'une manière spéciale afin que la saveur se garde pour tout le monde. On le boit ensuite avec la bombilla (la comparer à une paille serait probablement une insulte à la nation argentine), qui permet de ne pas avaler l'herbe. Le maté se partage entre amis, se propose à quelqu'un qu'on ne connait pas pour commencer une conversation, et agit comme un coupe-faim. Oui, le maté c'est un peu comme la cigarette chez nous, mais en bon pour la santé. En plus encombrant aussi, puisque tout le monde se trimballe avec son thermo, son paquet d'herbe et son maté.

De Purmamarca on va à Humahuaca. Même combat, mais en plus grand. Il faut dire que le nord de l'Argentine est la région la moins chère du pays, et comme les paysages sont époustouflants, c'est la destination très à la mode chez tous les étudiants des facs de sciences sociales, psychologie, lettres et art, et d'une ville à l'autre on recroise les même gens. Trés intéressant pour entendre parler de l'Argentine, connaître son histoire, sa culture, sa politique et ses problèmes sociaux.

Humahuaca est très agréable pour flaner dans les ruelles, monter au monument aux héros de l'indépendance qui surplombe la ville, où finir la soirée dans une peña, un bar où des groupes jouent de la musique folklorique, la chacarera entre autres dans le nord de l'Argentine.

Le nord de l'Argentine, qui faisait partie de l'empire inka, est aussi particulier pour son mélange entre les religions catholiques et indigènes. Ici on fête les morts comme au Mexique, avec de la musique, de la nourriture, des couleurs, puisque l'âme du mort demeure avec les vivants et peut agir sur leur vie. Le cimetière est donc mutlicolore et recouvert de couronnes de fleurs artificielles.

Colonia San Jose, sur la route entre Humahuaca et Tilcara, est complètement différent. C'est un hameau dans lequel ne s'arrête pas les bus, car il n'est pas touristique. Y vivent des familles relativement pauvres, qui gagnent leur vie de leurs cultures, mais surtout de la restauration et les produits de l'épicerie pour les gens qui s'arrêtent en route, les occasions spéciales comme le carnaval, où en ce moment les ouvriers qui refont la route. A priori donc, aucune raison que j'y atterrisse. Sauf que je voyage avec deux argentins qui partent tous les étés faire des missions. C'est-à-dire qu'un groupe de jeune d'une paroisse catholique va passer une semaine dans un village isolé et pauvre d'Argentine, et se font connaître des gens, leur parle, organisent des activités pour les enfants, célèbrent la messe et essayent de résoudre leurs problèmes, de voir leurs besoins.
J'ai beau être complètement athée et pour la laïcité, s'il y a une chose que j'ai compris dans ce voyage, c'est que l'Eglise ici joue un rôle social majeur, et que ce n'est pas seulement une question de conversion et d'opium du peuple. Un argentin avec qui je voyageais va devenir curé dans deux ans, l'occasion était trop belle pour demander pourquoi la religion était si importante.
Parce que devant la misère de ces gens, devenir curé est une manière d'"entregarse a la gente", et surtout la religion un lien commun qui permet à des paysans de l'intérieur de l'Argentine de communiquer immédiatement et sur le même plan avec un jeune éduqué de Buenos Aires. Parce que dans un continent où quasiment toute la population est catholique, la religion est un facteur d'unité. Et parce que les ONG n'ont pas encore acquéri le statut de l'Eglise pour ce qui est des oeuvres sociales.
On est donc accueilli à bras ouverts à Colonia San Jose, où un des argentins avait missioné pendant cinq ans. Les gens nous invitent à partager leur repas, nous parlent de leur vie, leurs problèmes. Ici les enfants arrêtent les études après l'Ecole primaire, parce que le collège est très loin et que ça revient cher, alors qu'à la maison ils peuvent aider leurs parents. Mais on a rencontré une adolescente très motivée qui a décidé de devenir infirmière et d'aller étudier à Buenos Aires. Ses parents ayant un commerce qui fonctionne assez bien, elle en aura sans doute la possibilité.
Le plus petit de la famille a failli perdre la vue car il n'y a aucun occuliste de garde dans à proximité, à peine un généraliste qui a pu les recevoir étant donné l'urgence. De même dans les pharmacies tous les produits ne se trouvent pas. L'éducation et la médecine n'arrivent pas partout.
20min et des chemins de terre plus loin, vit Waldo, un enfant qui est en fauteuil roulant (fauteuil que lui a obtenu la mission). C'est un fauteuil de ville, faute de mieux, donc vous vous imaginez la facilité des déplacements quand la maison est au milieu des champs cultivés et de l'élevage de chèvres. Mais Waldo va quand même à l'école, aussi compliqué que ça soit.
Quand son petit frère et lui comprennent comment marche l'appareil photo numérique, ils ne le lachent plus. Voilà donc cette après-midi vue par eux.
Le lendemain re-passage à La Quiaca, et traversée à Villazón en Bolivie, parce que les produits sont moins chers, et les marchés vendent de l'artisanat andin, que les argentins qui voyagent dans le nord adorent. De là on se fait embarquer par un pick-up pour aterrir à 20km de La Quiaca, à Yaví, un petit village tranquille dans une vallée, où l'on peut observer des peintures rupestres et - dit-on - des eaux thermales (jamais trouvée malgré deux heures de marche dans le fleuve).

Voilà pour ce qui est de Jujuy, une province argentine mais touchant la Bolivie, qui en partage donc ses paysages et certains de ses problèmes.