mardi 11 septembre 2007

Le mot du jour: Protesta

Première expérience de contestation péruvienne à l'université.

Évidemment, vous me direz, je suis en Amérique Latine, autrement dit pour nous autres européens synonyme de guérillas et contestations en tout genre. Eh bien figurez vous que selon mon cours d'hier il se trouve que ce continent est en fait très conservateur puisque malgré une adaptation à la modernité il a gardé le modèle paternaliste, autoritaire et corporatiste hérité de l'Ancien Régime espagnol, et les indépendances n'ont rien eu de révolutions mais plutôt de réappropriation des terres par les haciendados/ex-colons espagnols (enfin ce n'est pas le sujet, si ça intéresse quelqu'un j'en reparlerais plus tard).
Pour ce qui est des rebellions étudiantes, je suis dans une université privée qui s'appelle la Pontificad universidad Catolica (la PUCP ou la Catolica, comme nous l'appelons affectueusement), donc pas vraiment le genre Che Guevara.

Mais voilà, mercredi dernier en me baladant dans la Catolica, je vois scotchées aux murs des affiches faites à l'arrache annonçant "Assemblée générale à 13h". Intriguée, je me dis que j'irai bien faire un tour histoire de voir de quoi il s'agit. Mais alors que j'attends mon repas au Comedor de Arte (une des cafets de la PUCP), j'entends des slogans criés et je vois arriver dans l'allée principale de l'université un cortège de travailleurs portant des pancartes que je n'ai pas le temps de lire. Je les suis et ils rejoignent bientôt un autre groupe, mais d'étudiants cette fois. Et là j'apprends que le toit de la faculté d'art s'est effondré le matin même et qu'il y a eu trois blessés. C'est le déclencheur.
Il faut dire que la fac de arte, c'est quelque chose: des taules pour les murs, des taules pour le toit. Quand il y a eu le tremblement de terre, ils étaient tous déçus qu'elle ne soit pas tombée parce qu'au moins ça aurait obligé l'administration à en reconstruire une nouvelle. En plus de ça elle est fait en asbesto qui est à peu près aussi bon pour la santé que l'amiante. Rien de bien étonnant à ce que le toit se soit écroulé alors qu'un ouvrier le repeignait. L'ouvrier en question a été blessé ainsi que deux étudiants.
Les syndicats de travailleurs - qui ont plus d'une revendication à faire valoir, réagissent, les étudiants d'art font un sit in (pour le coup constructif) sur la pelouse, pour dénoncer la précarité de leur fac. Ils vont devant la PUCP et les caméras sont déjà là, même si ce n'est qu'une manifestation à l'intérieur de la fac, qui s'adresse à l'administration (vidéos ici).
Sur le trac que distribue le syndicat PUCP il est quand même indiqué entre autre que certains travailleurs qui ont un contrat depuis 8 ans sont toujours payés 770 soles par mois (autrement dit environ 190€, et même si le pouvoir d'achat n'est pas le même ici, c'est une misère) alors qu'un ejecutivo est payé 12 000 soles, et que certaines autorités administratives de la PUCP enferment les travailleurs pour les obliger à signer leur renoncement aux bénéfices sociaux... Pas le genre de revendications dont tout un chacun peut dire, "de quoi ils se plaignent encore..."

J'ai dû aller en cours et je n'ai donc pas suivi la suite du mouvement, mais quand je suis sortie de cours 4h plus tard ils faisaient le tour des différentes fac de l'université et faisaient signer des pétitions pour la construction d'une nouvelle fac d'art, ce qui me parait assez raisonable étant donné que la leur s'effondre. Pour ce qui est des droits des travailleurs, ça mobilise pas les foules, il faut pas oublier que le niveau de vie des péruviens qui étudient à la catolica est à des années lumières de celui de ceux qui tondent la pelouse ou servent à la cafet.

Mais enfin le plus drôle (ou pas) c'est qu'hier on reçoit tous un mail de la direction de la communication (5 jours après l'incident) pour nous expliquer ce qui s'était passé, et surtout bien nous dire que la PUCP déplore cet accident qui était en fait dû ... à la négligence de l'ouvrier.
Pas de remise en question à l'horizon on dirait.

Aucun commentaire: